Microcentrale hydroélectrique fondée en titre - Plein contentieux - Information adressée par le propriétaire à l’administration d’une modification projetée - Demande de remise en service (NON) - Rejet implicite de la demande - Obligation de porter à la connaissance de l’administration toute modification apportée à un ouvrage même fondé en titre - Obligation pour l’administration de prendre acte de la modification et de demander, le cas échéant, de déposer une demande d’autorisation en cas de dangers ou d’inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement après examen de compatibilité avec le SDAGE - Annulation de la décision implicite de rejet de la demande de remise en service (OUI)
« Considérant, que M. HARDEL est propriétaire d’une ancienne centrale hydroélectrique, le moulin de Tracy, située sur la rivière de la Vire ; que, le 22 juin 2010, il a informé le préfet du Calvados de son projet d’installer une turbine sur la chute d’eau du moulin afin de produire de l’électricité destinée à la revente ; que, par une décision en date du 2 septembre 2010, le préfet a considéré que cette demande de remise en service d’une usine hydroélectrique méconnaissait les objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands ; que le requérant a réitéré sa demande le 4 septembre 2011, laquelle a été rejetée à nouveau, par une décision préfectorale en date du 14 décembre 2011 ; que M. HARDEL demande l’annulation de la décision par laquelle le préfet du Calvados a implicitement rejeté sa nouvelle demande de remise en service en date du 14 mai 2012 ;
Considérant, (...) qu’il n’est pas contesté par le préfet que le moulin de Tracy bénéficie d’un droit fondé en titre à l’usage des eaux de la Vire ; que, dès lors, la décision implicite de refus de remise en service de cet ouvrage fondé en titre, qui entre dans le champ d’application de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, est soumise à un contentieux de pleine juridiction en vertu des dispositions combinées des articles L. 214-10 et L. 514-6 du code de l’environnement ; qu’ainsi, en application des dispositions de l’article R. 421-3 du code de justice administrative, le délai de recours contentieux de deux mois n’a pas commencé à courir contre la décision implicite attaquée ; que, par suite, le préfet du Calvados n’est pas fondé à faire valoir que la requête de M. HARDEL est irrecevable car tardive ;
Considérant, (...) que la circonstance qu’un ouvrage fondé en titre soit réputé autorisé ne dispense pas leur bénéficiaire de porter à la connaissance du préfet toute modification apportée à cet ouvrage ; que le requérant doit, d’ailleurs, être regardé comme ayant porté à la connaissance du préfet du Calvados son intention d’installer une nouvelle turbine sur la chute d’eau du moulin de Tracy, conformément aux dispositions du 2° de l’article R. 214-81 du code de l’environnement ;
Considérant, (...) que ces transformations ont pour conséquence de soumettre l’installation au droit commun de l’autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre ;
Considérant, (...) qu’il n’est pas soutenu par le préfet que la turbine projetée serait de nature à entraîner une augmentation de la force motrice de cet ouvrage ; qu’ainsi, la modification projetée par le requérant n’a pas eu pour effet de soumettre l’ouvrage en cause au droit commun de l’autorisation, pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre et, par suite, la décision implicite de rejet du préfet du Calvados ne peut être regardée comme un refus d’autorisation ;
Considérant, (...) que le préfet du Calvados a considéré que la demande du requérant était incompatible avec les dispositions de l’article 60 du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands (...) ; que, toutefois, le courrier du M. HARDEL en date du 14 mai 2012 ne constituait pas une demande de remise en service de son installation, ainsi que l’a interprété le préfet du Calvados, mais une simple information concernant une modification projetée de l’usine hydroélectrique, portée à sa connaissance en application des dispositions des articles R. 214-18 du code de l’environnement ; qu’ainsi, il résulte de ces dispositions, en particulier du dernier alinéa de l’article R. 214-18 de ce code, que le préfet du Calvados ne pouvait que prendre acte de cette modification ou, s’il estimait que l’installation d’une turbine par le requérant était de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients pour les éléments énumérés à l’article L. 211-1 dudit code, qu’inviter celui-ci à déposer une nouvelle demande d’autorisation et analyser, le cas échéant, la compatibilité de cette dernière avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands ; qu’ainsi, le préfet du Calvados, qui s’est mépris sur la nature de la déclaration de M. HARDEL, ne pouvait pas directement refuser l’installation d’une turbine sur la chute d’eau du moulin de Tracy, sans l’avoir, au préalable, invité à déposer une nouvelle demande d’autorisation ; que, par suite la décision implicite de rejet attaquée doit être annulée ».
TA Caen 18 décembre 2013, M. HARDEL, n° 1300554
S’agissant d’un ouvrage fondé en titre, l’administration ne peut d’emblée opposer une décision explicite de rejet à l’information qui lui est adressée par le propriétaire, d’une modification projetée, pas plus qu’une décision implicite de rejet à une demande subséquente de remise en service. Il incombe à l’administration de prendre acte du projet de modification et de demander au propriétaire de déposer, le cas échéant, un dossier de demande d’autorisation si la modification projetée présente des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.
Tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que la modification n’entraînerait aucune modification de la consistance légale de l’ouvrage, donc aucune augmentation de la puissance maximale brute de l’installation.
Pour sa part, le propriétaire est tenu de porter à la connaissance de l’administration toute modification.